Monsieur Grattepier (3)

Mes enfants, asseyez-vous, j’ai pour vous une grande nouvelle. Je reviens de Paris où j’ai reçu des mains de monsieur le Ministre de l’Education et de la Culture le Grand Prix des INSTITUTEURS-POETES. Cette distinction est un grand honneur pour moi, car jusqu’à présent, aucun enseignant n’avait obtenu cette récompense. C’est Monsieur l’Inspecteur qui, à son dernier passage, a remarqué mon grand talent d’éducateur-poète et a signalé en haut lieu ce cas unique en France. Etant le seul candidat, j’ai reçu tout naturellement le premier prix et je suis fier de vous montrer ma médaille. Etant persuadé qu’elle honorera notre classe, comme elle honore notre école tout entière. Et aussi notre ville et même tout le département.

Monsieur Grattepied, tout ému, extirpe une belle boîte noire en velours de sa sacoche et en ressort une médaille de bronze (ou autre métal) et lit : A Monsieur Grattepied/ pour ses rimes et ses pieds/ et pour ses alexandrins/ un grand merci nous devons bien. L’Education Nationale reconnaissante.

Les élèves applaudirent à tout rompre et ceux du premier rang purent même voir poindre, malgré les lunettes, une petite larme qui roulait le long de la joue de leur maître, larme qu’il s’empressa d’éponger de la main droite avec son mouchoir, l’autre main tenant toujours fermement la médaille. Puis il passa parmi les rangs pour que tous les élèves puissent la voir et l’admirer et replaça enfin le joyau dans son étui, referma la boîte avec précaution et la remit dans son sac.

Le cours pouvait enfin commencer. Monsieur Grattepied reprit de sa voix habituelle : eh bien, les enfants, après ce petit intermède plaisant, il est temps pour nous de reprendre la leçon là où nous l’avons laissée avant-hier. Sortez vos cahiers, nous allons faire un peu de lecture.

(à suivre)