La salamandre

Je ne sais si je vous ai déjà dit que la salamandre était mon animal fétiche, en raison de sa forte symbolique. J'ai des salamandres de toutes sortes éparpillées chez moi dans toutes les pièces : en bois, en métal, en émaux, en bagues, en pendentifs...Voici un petit texte sous forme d'invocation que j'ai écrit en son honneur :

Dans les méandres d’une main reptilienne se tient l’animal qui rallumera les flammes éteintes du passé, celui qui vient du feu y retournera pour attiser la splendeur flamboyante des folles renaissances.

Une imperceptible brûlure me rappelle que je suis installée un peu trop près de la flamme et qu’elle me lèche de son ardeur constante et symbolique. Je perçois, à travers elle, la mythique présence des esprits du Feu, de De Falla  à Stravinsky, et ma paume se déplie pour diriger un orchestre fantôme peuplé de formes impalpables qui mêlent subtilement  leurs abstractions harmoniques aux rituels obsédants de la danse.

Longtemps, je suis restée devant la flamme vacillante, les yeux fermés, et l’oreille à l’écoute d’une magie naissante, celle de l’instant précis de la rencontre, des affabulations éternelles, de tous les ballets macabres ou oniriques de la terre, de tous les étendards levés vers d’impossibles combats. Mais aujourd’hui, loin des mythes médiévaux et  des fausses réputations, je mesure la beauté de ce petit animal  extraordinairement singulier et doux,  figé dans la majesté tranquille de ses paisibles survivances.

Se sentant protégé par sa beauté aposématique*, il ne sort ni ses griffes, ni son venin, mais somnole dans la chaleur nonchalante d’une peau laiteuse et amiantée, que  j’effleure dans un baiser furtif qui ne suffit pas à le troubler. Et  rafraîchissant de mon souffle cet être fantastique, je le remercie de réveiller en moi des mystères que je croyais endormis à jamais dans la poussière des  livres, et de me prouver que l’urodèle** revivra pour peu qu’on lui redonne la place qu’il occupait jadis sur les frontons des châteaux de nos anciens rois.

Par ton pouvoir de te régénérer dans cesse, je te demande de m'accorder la force de ton exemple, de transmettre à mes nuits la faculté de renaître inlassablement à l’imagination veloutée de ta peau, à la singularité renouvelée de tes formes, à la magie évocatrice de ton nom, et à la certitude de nos peurs apaisées. Toi qui rimes avec tous les mots  tendres  de la terre, et qui contiens à toi seul toute l’innocence et  tous les maléfices du monde, puisse ta présence faire envoler les tristes papillons d’un hypothétique  enfer et rendre à nos vies dans leur forme colorisée le rêve et la vision emblématique de tes embrasements  amphibiens :

Pyrallis***, Salamandre, petit dragon de feu multicolore.

cloclo

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* se dit de la coloration très vive chez certains animaux, signe extérieur de leur toxicité. 

** autre nom de la salamandre (ordre des urodèles)

*** nom de la s. dans Pline l'ancien, ayant contribué par la suite au mythe de la salamandre.