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Les jardins de Calude
16 octobre 2010

Main dans la main

Maindanslamain2

Elle contemplait sa main sans vraiment la reconnaître, une main qui avait été jadis si fine, si douce, si veloutée...

une menotte rose et potelée que sa maman avait chérie et baisotée, l'âme au bord des lèvres, transportée, chavirée...

une main si soignée dans ses années de jeunesse, entretenue, irréprochable, manucurée, aux ongles toujours bien faits, aux vernis chatoyants...

une main que tant de gens avaient serrée, chaleureusement ou  poliment, tant d'amis admirée, tant d'amants caressée ou étreinte...

une main que Félix avait demandée, solennellement à sa mère, le jour de ses 24 ans. Et sa maman qui en pleurant avait ajouté : prenez-là, sa main, et tout le reste si vous voulez, mais promettez-moi d'en prendre bien soin...

Oui, il en avait pris soin, Félix, il avait tenu sa promesse jusqu'à l'aube de ses soixante-dix ans, où un accident vasculaire l'avait paralysé à jamais.

A présent, c'était elle qui lui tenait la main, qui le conduisait à travers les actes quotidiens de sa vie. C'était dur, parfois, mais toujours elle tenait bon, en souvenir de  tout l'amour qu'il lui avait  donné.

Puis ses forces avaient diminué, ses traits s'étaient durci, ses cheveux avaient blanchi, ses mains s'étaient peu à peu déformées, sous l'effet du mal qui, jour et nuit,  les rongeait. Leur peau, autrefois si blanche et lisse se plissait et se tachait,  c'était le signe que le temps sur tout doit passer.

Un jour, il avait fallu confier  à d'autres le mari tant aimé.

Chaque jour, elle venait s'asseoir auprès de lui,  lui donnant les dernières nouvelles du quartier, ou se taisant tout simplement quand il dormait.

Il avait bien baissé, Félix, ces derniers temps, elle se demandait souvent s'il pourrait encore la reconnaître.

Puis Félix ne sourit même plus à son entrée. Il semblait détaché de ce monde et parti déjà vers un ailleurs. Elle ravalait ses larmes, pour ne rien laisser paraître et ne pas l'attrister davantage.

C'est au retour qu'elle s'abandonnait, là, tout au secret d'elle même, quand personne ne la voyait.

Et puis un jour, ce fut la fin,  Il était parti calmement, comme une petite lumière qui s'essouffle. Il paraissait délivré, et souriait dans sa mort.

Elle posa tendrement sa main sur la sienne déjà froide, et voulut un peu le réchauffer, mais à cause de ses larmes qui coulaient, elle ne la voyait plus, elle ne distinguait plus rien, plus rien que les murs blancs de la pièce qui soudain s'écroulaient... 

Dans quelques jours, ce serait d'autres mains qu'elle allait devoir serrer. Elle se demandait juste comment elle pourrait le supporter.

cloclo

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Commentaires
C
Il est prévu pour demain dimanche, jour du seigneur et surtout de son père, un peu de patience, Martine... cloclo
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A
Très joli texte que je viens de relire et encore une larme à l'œil. Mets nous vite le texte sur Dieu que je puisse rire. Bises
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