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Les jardins de Calude
20 août 2010

VINCENT

van_gogh


J'ai encore reçu une lettre de Théo ce matin, il me reproche de bâcler mes toiles et de me répéter. Il y a d'autres choses  à peindre que des tournesols et des iris, dit-il avec une pointe d'ironie. Il voudrait peut-être que je peigne des lagunes et des arbesques de ciel bleu à longeur de journée ! Pourtant je l'aime bien, Théo, mais parfois il est maladroit et ne se rend pas compte qu'il me blesse. Je sais, je suis mauvais vendeur et mes ventes sont un désastre. C'est tout juste si on accepte que je les donne. Si je me convertissais à la gouache, ça marcherait peut-être mieux !

L'autre jour, la police a fait une descente chez moi , sous prétexte que je n'avais pas payé mon loyer. Je vais mettre une banderole sur mon toit, ici vit (survit) un peintre fou, ça éloignera peut-être les mauvaises langues.  Je n'ai pas besoin de me cacher ni de tenter de voyager incognito, personne ne me reconnaît, ni ici, ni ailleurs. Le bon docteur G. fait tout ce qu'il peut pour adoucir ma vie, mais je sais bien, moi, que c'est un enfer ! Se shooter à longueur d'année avec  des toiles et des pinceaux pour ne plus penser, sniffer la peinture fraîchement posée, s'autodétruire à coups d'autoportraits, ajuster son égo aux dimensions de ses toiles, tout cela est d'un triste et d'un burlesque achevé. J'en ai la conscience et pourtant, je ne peux rien changer. Je n'ai même plus le courage de me révolter. Tel est le sort des artistes maudits.

J'enfile mon caleçon et m'assieds dans mon réduit sur la fameuse chaise que j'ai peinte mille fois, puis détruite et  et saccagée mille fois. J'attrape le berlingot de lait mis au frais en dehors de la fenêtre, il est glacé, il faut dire que ce temps pourri n'arrange pas le moral, voilà quatre jours que je n'ai pas vu le soleil. Comment peindre dans ces conditions, je suis comme une sentinelle embusquée qui attend on ne sait quoi ou on ne sait qui. Moi, le peintre des espaces et des couleurs, me voilà confiné dans cet univers fade et étriqué où les églises ne sont plus que de simples chapelles, et les épées des fleurets. Je pianote sur la table , caresse machinalement le chat, et m'apprête à entamer une nouvelle journée qui ne sera pour moi, hélas , comme les précédentes et les suivantes, qu'une gigantesque mascarade.

cloclo

 

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