La valse chaloupée
L'ouvrière bien coiffée
Dans les bals musette va danser
La valse chaloupée
Sous l'étreinte de son amant
Amoureuse et pamée
Elle tourne brutalement
Voluptueusement.
Tout en dansant la valse chaloupée
Son cavalier a les mains occupées
Il la balance, lance,
Avec violence
Puis avec force il la prend aux cheveux
La fait plier entre ses bras nerveux
Elle chavire, vire,
Et donne son coeur amoureux!
Pour sûr il avait le sens du rythme, mon Jojo, et jamais fatigué, 3 heures du mat, il était frais comme un gardon, c’est moi qui criais grâce, je retirais mes talons et me frottais les pieds rougis de fatigue et usés par le parquet de la guinguette à Antonin. Lui, il sortait son mouchoir et épongeait les grosses gouttes qui coulaient de son front et retombaient sur sa chemise en cascades, il riait, et m’embrassait et pensait déjà au prochain samedi, où il viendrait me prendre après le dernier client de la boutique en me disant : allez Simone, c’est ce soir seulement que les choses sérieuses commencent. En ai-je usé, des paires de chaussures et des bas à coutures et des jupons de dentelle toujours impeccables et parfumés et amidonnés de la veille…
Alors dansant la valse chaloupée
Toute sa tristesse est bientôt dissipée
Courbant la taille, taille,
Elle défaille
L'un contre l'autre étroitement serrés,
La chair troublée, les nerfs exaspérés
Elle abandonne donne
Son coeur au danseur adoré!
Ce danseur ne vaut pas mon Jojo, mais la danseuse se défend, tente de rattraper les erreurs de son partenaire, je lui mettrai 3 points pour sa ténacité et pour ses attitudes hautaines et distinguées. Je hais la vulgarité, surtout dans la danse, il faut de la tenue, du chien, du mordant, de la gnac, de la volonté. Le regard fuyant, voilà ce qu’il faut, jamais les yeux dans les yeux, ça fait complice, et dévoyé. Jamais de sourire, l’air heureux et joyeusement concentré, c’est tout. Je sens tout ça en elle, une grâce spontanée, un corps souple et adapté, ce que n’a pas son partenaire, qui paraît se forcer, manque de naturel, rigide, guindé, tout en voulant en faire des caisses. Dommage, ils auraient pu remporter le tournoi.
La voilà lancée un beau jour
C'est une grande mondaine,
Mais elle regrette toujours
La danse faubourienne
Alors lâchant le tout Paris
Un soir elle se ramène
Au bal ou se trouvent réunis
Les Messieurs ses amis.
Moi je voterai pour l’élégance, et pour les figures imposées paraissant personnelles bien qu’exécutées au cordeau. De l’aisance dans la pseudo-insouciance, de la fantaisie dans les rituels, de la décontraction dans l’exigence, un peu de volupté et de sensualité mais pas d’érotisme poussé, voilà ce que je vais juger. Et que les meilleurs gagnent ! Mais rien ne vaudra jamais mon Jojo, l’infatigable et indétrônable roi de la chaloupe, qui tangue sans jamais tomber, qui se déhanche sans jamais s’écrouler. Bon, passons au vote, plus que deux couples, ouf, il est temps que cela se termine, car comme dit l’autre, juger n’est pas danser……
cloclo