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Les jardins de Calude
2 août 2014

HÔTEL TRES PARTICULIER (chapitre 2)

II.

Une fois la surprise et les moments d’euphorie passés (l’euphorie est parfois le seul moyen de défense devant une situation aussi singulière et effrayante que la nôtre), nous redescendîmes progressivement sur terre, ou plutôt sous terre, puisque telle était notre localisation actuelle. Juliette regardait tristement son bol en se demandant où était son chocolat et pourquoi elle n’avait pas droit aux deux petits pains habituels et aux céréales si nécessaires à sa croissance. Jacques dit qu’il allait téléphoner à l’accueil pour se plaindre, mais nous ne trouvâmes pas le moindre poste téléphonique. Le portable évidemment ne passait pas dans ces bas-fonds, loin de toute civilisation  humaine. Nous avalâmes d’un trait l’immonde breuvage en nous interdisant d’en sentir la moindre saveur. Juliette refusa de boire et alla jeter le contenu de son bol dans le lavabo, puis elle expédia  sa toilette en quelques minutes. Elle allait quitter la salle de bains quand une voix d’outre-tombe se fit entendre aux quatre coins de la chambre : mademoiselle, quand on veut être jolie, on se lave les dents ! Juliette rougit légèrement, tout en se tournant pour tenter d’apercevoir quel corps visible pouvait appartenir à cette voix. Las, elle ne vit rien d’autre que nous deux qui souriions dans notre barbe en nous demandant si elle allait obtempérer ou faire semblant comme elle le faisait souvent à la maison. De l’autre côté de la porte, on n’entendait que le bruit de l’eau qui coulait  quand la voix, qui semblait courroucée se fit à nouveau entendre : j’ai dit : on frotte, on ne fait pas semblant !  Au bout de quelques minutes, Juliette réapparut en nous gratifiant d’un sourire étincelant, décidément, un étranger avait plus de pouvoir sur elle en quelques minutes que nous n’en avions eu à deux en 9 ans d’existence commune !

Je proposai de quitter la chambre pour regagner l’accueil et retrouver enfin la lumière du jour  et  l’air pur nécessaires à notre bon équilibre. Mais comment s’orienter en ces lieux obscurs et si mal fléchés ? Jacques suggéra de prendre à notre droite, étant  persuadé que nous étions arrivés par-là, c’est pourquoi je me dirigeai résolument à gauche, sans l’ombre d’une hésitation.  Au bout de cinq minutes, nous n’avions pas progressé d’un iota, chacun donnant son avis et reconnaissant impérativement les lieux que nous avions traversés la veille. Après de longs instants d’errance, nous nous trouvâmes devant un panneau fléché où nous pouvions lire ceci :  Bains romains à 300 mètres. Nous décidâmes de nous y diriger, n’ayant guère d’autre choix et nous disant qu’après tout, cela nous ferai un but de distraction en ce début  de vacances déjà si perturbé. L’air devenait de plus en plus humide et de grosses gouttes suintaient le long des parois de la grotte, qui à présent s’élargissait en une espèce de vaste cirque où d’étranges rochers donnaient l’impression de personnages statufiés, grimaçants et horribles. Juliette se cacha de peur dans un coin de mon châle et je dus la guider pour faire les derniers mètres. Arrivés à la hauteur des fameux bains, nous ne vîmes qu’une flaque d’eau boueuse où surnageaient quelques débris de pierres et de lichens arrachés à la voûte. Nous étions bien déçus et décidâmes de poursuivre notre route. Tout à coup, une grenouille, ou plutôt un crapaud, surgi de nulle part, s’interposa entre moi et Jacques et s’écria, en s’égosillant d’une voix rauque et éraillée : coa coa coa, encore des touristes paumés, c’est déjà les quatrièmes de la journée, mais vous ne savez donc pas lire les pancartes, non d’un chien !! Quo vadis ? Vous êtes ici au royaume des grenouilles et tout être humain est formellement banni. Faites demi-tour et fissa, sinon je vous transforme, Monsieur,  en bufo calamita, vous Madame en rana esculenta et vous, Mademoiselle en …hyla arborea, allez, ite missa est, noli me tangere, alea jacta est, homo homini lupus, stricto sensu, sine qua non…

Georges, sois donc un peu plus aimable ave ces messieurs-dames, dit madame Grenouille qui se cachait derrière son gros amphibien de mari et qui, elle, avait plutôt la voix de Rina Ketty dans J’attendrai…Excusez mon mari,  messieurs-dames, mais vous l’avez arraché à sa page wikipedia favorite, alors il veut faire son savant, mais en vérité ce n’est qu’un gros naze. Pardon,  vous cherchez quelque chose ? Eh oui, répondis-je, nous aimerions bien trouver la sortie, voilà plusieurs heures que nous tournons dans ce labyrinthe sans en trouver l’issue. Evidemment, vous êtes à l’opposé, rebroussez votre chemin et à la prochaine pancarte, suivez les flèches vertes, vous ne en pouvez pas vous tromper. Merci madame la grenouille, dit Juliette, qui avait recouvré ses esprits et était ravie de pouvoir converser avec une grenouille. Y a pas d’coi, répondit dame grenouille, tout le plaisir est pour moi, répondit en écho monsieur le Crapaud  et gonflant son cou au maximum pour se mettre en valeur. Ave atque vale !

Nous retournâmes donc sur nos pas en marchant en silence, j’avais mal aux pieds, ayant enfilé mes petites sandales d’été comme il se doit dans ces contrées ordinairement baignées de soleil. Mais le soleil, je me demandais  si on allait enfin le retrouver un jour. Nous avions perdu notre bel enthousiasme de la veille et nos yeux, bien qu’ils se soient faits à l’obscurité, commençaient à fatiguer, Jacques ruminait entre ses dents et me reprochait d’avoir choisi cet hôtel soit disant original et unique en son genre. Juliette, encore sur le coup de sa rencontre avec les grenouilles chantonnait à voix basse tout en sautillant d’une manière joyeuse. Et moi, je scrutais l’horizon pour percevoir le moindre petit panneau indicateur.

Tout à coup une voix  tonitruante nous stoppa  dans nos élans. Encore ces péquenots de touristes, quand on n’a pas le sens de l’orientation, on prend un GPS !  Allez, passez votre chemin, et que je ne vous y reprenne plus, sinon…Ne nous engueulez pas, madame la VOIX, dîtes nous plutôt si c’est à droite ou à gauche… Tu ne vois donc pas que c’est tout droit, nigaude… Mais, rétorquai-je, vexée… Il n’y a pas de mais, ici, on n’est pas à la télé, on n’accepte que les gens intelligents…Mais nous sommes intelligents, se risqua Jacques … Ah bon, alors vous cachez bien votre jeu ! Et vous la sortie, répondis-je vexée… Les vacances, ça se mérite, dit la voix, et sans jeu de mots, je vois que vous n’êtes pas vraiment à la hauteur… vous me décevez considérablement.

Je vous promets qu’on va s’en sortir, ajoutai-je de la voix la plus persuasive qui soit. J’espère bien, répondit la voix, sinon…

 

(A suivre)

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Commentaires
E
la folle histoire, bravo, Cloclo, voilà un conte énergique qui devrait plaire aux enfants ! j'adore le crapaud qui pontifie avec la science puisée dans wikipedia
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M
hi, hi, je ne te demanderai pas l'adresse de ce paradis souterrain.
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