Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les jardins de Calude
3 novembre 2011

Courir, mais après quoi ?

courir

Courir, mais après quoi ?

Petit, on court après sa balle, après son chien, après tout ce que l’on rencontre, car les enfants ne savent pas marcher. Au lieu de la question rituelle sur l’âge de la marche, ne devrait-on pas plutôt demander aux parents : A quel âge a-t’il commencé à courir ? Ce serait plus près de la vérité.

Ils s’exercent déjà, sans s’en douter, à ce que sera leur vie future.

Nos bambins courent, du matin au soir, de la cave au grenier, dans tous les endroits de la maison, même les moins accessibles, Ils sont partout à la fois, comme s’ils s’étaient démultipliés.

Ils courent aussi dans la rue, en ignorant le danger. Ils sont intrépides, inconscients et infatigables.

Ensuite, ils courent à l’école, courent en descendant de voiture, il y a toujours une bonne raison à cela : papa a été retardé, le réveil n’a pas sonné, maman habillait le petit dernier… on court…on court toujours.

On court pour se lever, se laver, s’habiller, on court pour déjeuner, mais le temps vous rattrape, la cloche vient de sonner.

On court aussi le mercredi, officiellement  jour de vacance. Vocable bien mal nommé, car en fait de vacance, mercredi est le jour consacré aux  activités (donc pas de place pour l’oisiveté ni pour sa cousine  la passivité, notions considérées comme dangereuses et actuellement très dépréciées). Ce jour-là, il y a la gym, le judo, le karaté,  le poney, la boxe française, la danse moderne, le saxophone et la chorale. Les parents sont sur les dents. Les enfants sont fatigués, mais on est des parents dynamiques et à l’écoute des besoins de leurs rejetons. Il faut aussi être branchés et à la page. Tu fais tout ça, et après tu choisiras. Ca coûte un max, mais c’est le prix de la modernité !

Cinq heures de piano par jour; c’est un minimum si on veut faire carrière. Gym à outrance au risque de détruire son squelette, mais c’est le prix à payer pour un premier prix régional. Et pour la perspective d ’avoir peut-être un jour un champion olympique dans la famille. Ce mal étrange et pourtant très répandu chez certains parents s'appelle la vie par procuration.

Pas le temps de souffler…

Puis vient la vie active, comme si on n’avait rien fait avant, on a bûché pour ses études, on a couru après une chambre, après une bonne école, après les diplômes, après un vrai job, encore heureux si on en a trouvé ! Maintenant c’est la course aux horaires, une heure de TER, une heure d’autobus, on arrive au boulot éreinté.

Sans compter la demi-heure quotidienne de jogging ( !!!)  avant de partir travailler, paraît que c'est bon pour la santé.

On arrive au bureau en nage, des auréoles sous les bras,  et déjà crevé, c’est le jour où le boss vous convoque pour vous parler de votre rendement. Vous avez passé une nuit blanche, à cause de la dent du dernier, mais il faut faire semblant, et avoir l’air en forme. Sinon…

On court après l’argent, les échelons, les promos, les augmentations, d’autres courent après les honneurs, la notoriété, les médailles et les cocktails en ville, tout dépend de son rang dans la société.

Côté cœur, toute sa vie, on court après une femme, une maîtresse, ou plusieurs si l’on est bien organisé, après une aventure, une conquête, le grand amour, ou tout bêtement après la fille qui vient de vous quitter.

Ca va ? Non, ça court ! Superlatif  merveilleux et gage d'un bonheur absolu.

Mais devant la pendule du temps, on est tous égaux, je crois. Un jour, il faudra bien s’arrêter.

Hier, au square, j’ai croisé trois petits pépés. En pleine journée, ils étaient assis là, à l’ombre fraîche d’un platane et conversaient paisiblement en regardant les gens courir et se presser. Je n’en croyais pas mes yeux. J’ai demandé : alors vous, vous ne courez pas ? Ils m’on répondu : On a couru toute notre vie, en pensant que le bonheur était devant nous. Maintenant qu’on l’a trouvé, pourquoi courir encore ?

Je me suis assise avec eux, ai bousculé mon emploi du temps, juste pour voir ce que cela faisait. De s’arrêter comme ça, sans véritable raison, et en plein milieu de la journée, ça me faisait tout drôle, je me sentais mal à l’aise, presque gênée, coupable. Puis je me suis laissé emporter par leurs histoires, et la douceur de ne rien faire. J’avais enfin l’impression de vivre la vraie vie, en écoutant leurs souvenirs avec patience, intérêt et bienveillance. Des souvenirs d’une époque où le rapport au temps était si différent d’aujourd’hui !

Où l’on prenait, naturellement et tout simplement le temps de vivre !

Quand je les ai quittés, ils m’ont dit : alors, c’est pas le vrai bonheur, ça ?

Je les ai embrassés en les remerciant et suis repartie d’un pas tranquille, mesuré, sans me presser. Sans non  plus me culpabiliser, sans penser aux corvées qui me restaient à faire. Et pour la première fois de ma vie, je me suis sentie soulagée, déstressée, j’ai eu enfin le sentiment, en me posant quelques instants parmi eux,  d’avoir pris et utilisé intelligemment mon temps.

cloclo

 

Publicité
Publicité
Commentaires
S
Et c'est de plus en plus fatiguant de courir !<br /> que j'aimerais avoir des pépés (ou des mémés mais c'est plus rare)sur un banc et en faire autant...
Répondre
C
eh oui, car quelle que soit notre allure, nous ne pourrons jamais faire demi tour ! Bises. cloclo
Répondre
M
Très bien observé. Souvent je me demandais "mais après quoi courons-nous ?"<br /> Et à présent, je me dis que la vie passe si vite...
Répondre
C
Oui, il vaut mieux prendre son temps et bien faire que courir et tout rater...
Répondre
A
Plus je cours moins j'avance tant tout est de travers alors j'ai cessé et je m'en porte que mieux( rires) il faut laisser du temps pour rêver , on ne l'apprend pas assez aux enfants et surtout aux parents ( rires)
Répondre
Les jardins de Calude
Publicité
Les jardins de Calude
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 202 596
Publicité