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Les jardins de Calude
8 juillet 2011

ANNE, JOUR APRES JOUR

coeur_brise

 

 

Je ne suis ni riche ni pauvre, juste dans la moyenne, quoi. Je n’envie pas les riches mais je plains surtout les pauvres, les très pauvres, ceux qui se posent tous les jours le problème du manger et du dormir.

J’ai une jolie maison, ni trop grande, ni trop petite, je ne l’ai pas volée, ne l’ai pas obtenue par héritage, je l’ai gagnée à la sueur de mon front, et de celui de mon époux, en la remboursant sur 20 ans.

J’ai des enfants, ni trop gentils, ni trop mauvais, juste dans la moyenne, quoi. Ils m’appellent quand ils ont le temps, me rendent visite idem, j’ai toujours rêvé d’être très entourée sur mes vieux jours, malheureusement ma descendance ne me l’a pas vraiment permis.

Je suis plutôt jolie, je suis de celles dont on dit parfois : elle est encore bien conservée, comme si j’étais une boîte de petit pois ou un camembert, j’attire encore les regards des hommes et cela ne me déplait pas.

J’ai un mari ni beau ni laid, entre les deux, ni vieux ni jeune, entre deux âges si on peut dire. Il n’est ni célèbre ni multimillionnaire, il ne fait pas de politique, juste quelques associations locales auxquelles il donne parfois un coup de main.

C’est pourquoi il s ‘absente assez souvent du domicile.

J’ai des amis, quelques-uns, qui comptent un peu pour moi, je peux compter sur eux aussi en cas de coup dur, mais il ne faudrait pas que cela arrive trop souvent.

J’ai de gentils voisins, toujours prêts à me rendre service, nous échangeons nos avis sur les semis et les récoltes. Chacun n’hésitant pas à prodiguer ses conseils et à livrer ses petits secrets de jardinage.

Je ne suis jamais malade, juste quelques petits maux dus à mon âge, mais dans la moyenne, je ne me situe pas mal,  mon mari, lui, a eu moins de chance, il a subi plusieurs opérations dont il s ‘est bien sorti jusque là.

Avec l’âge, il s’est aussi un peu empâté, et « ventripoté » (c'est un mot de mon invention que j'aime bien).  Il paraîtrait que les poignées d’amour renforcent le côté séducteur des hommes. Pour ma part, je ne partage pas cet avis.

Côté sexe, je ne me plains pas trop, mais ça se passerait mieux si mon mari ne m’opposait parfois quelques refus inexpliqués.

J’ai un joli jardin, je l’entretiens au mieux que je peux. En été, c’est une explosion d’essences multicolores qui ravissent l’œil et le cœur de tous mes proches.

Et me permettent de moins sentir la solitude qui pèse parfois sur mes épaules.

Dominique n’est pas rentré pour déjeuner à midi, voilà plusieurs fois qu’il me fait le coup.

Ma ville est un petit village, tout se sait ou presque, j’entends parfois quelques rumeurs le concernant. A la boulangerie, je vois les visages qui se ferment et les regards qui se détournent. Je crois même parfois deviner  quelques sourires derrière mon dos.

Domi se fait de plus en plus rare, je m’évertue à me cacher la vérité et à me voiler la face, mais au fond de moi, je connais son addiction aux femmes, une seule ne lui suffit plus, comme bien des hommes, et moi, je ne suis pas prête d’accepter cette situation.

Mes amies femmes me plaignent, me conseillent le divorce, leurs maris ricanent voire le soutiennent en disant que c’est la nature de l’homme et qu’on ne peut pas lutter contre cette évidence. Que la fidélité n’est plus de mise de nos jours et que je n’ai qu’à en faire autant et prendre un amant.

Hier, mardi, la femme de ménage est venue en mon absence, comme à l’accoutumée. Domi était resté à la maison et moi, je suis rentrée plus tôt que d’habitude, parce que mon cours de yoga avait été annulé.

J’ai trouvé deux capotes usagées dans la poubelle de la chambre à donner.

J’ai décidé de lui parler. Je ne supporte plus ses écarts de conduite, à l’extérieur et maintenant sous mon propre toit.

Je lui ai conseillé de se soigner. Il y a des cliniques spécialisées pour les addictions au sexe, m’a-t-on dit, s’il n’accepte pas, ce sera le divorce, je n’ai pas l’intention de me ridiculiser aux yeux de ma famille et de mes propres amis.

Il ne veut rien entendre et me répond que ce sera ça ou rien. Il n’est pas malade, m’a-t-il répondu, et ce qu’il fait est dans l’ordre des choses,  il est juste un peu plus «accro » que les autres, c’est tout.

Ce qui compte pour moi, c’est mon intégrité et ma dignité de femme, je ne supporte pas d’être bafouée par l’homme auquel j’ai consacré la majeure partie de ma vie, élevé ses enfants, mijoté ses plats préférés, reçu ses amis, repassé ses chemises, surveillé la prise de ses médicaments, la liste serait longue…

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J’ai quitté la maison hier, à 9 heures précises, sans un mot d’explication, pendant qu’il était à sa réunion hebdomadaire, je lui souhaite bien du plaisir avec ses nombreuses maîtresses, je lui souhaite d’en trouver une qui prendra la relève et le soignera aussi bien dans ses derniers instants que je l’ai fait jusqu’ici pendant toutes ces années.. .Bon courage à elle en passant. Domi a toujours été un malade difficile, douillet  et hypocondriaque.


Moi, je vais refaire mon trou quelque part, loin des rumeurs insupportables de la ville, peu m’importe si je suis à l’étroit, si j’ai moins d’argent, si mes amis me boudent et si mon jardin me manque, j’irai au parc voisin admirer les fleurs qu’on aura plantées pour moi, en tout cas, je ne suis pas prête de renouveler l’expérience avec les hommes !

 Je vais me prendre un chien, un compagnon fidèle, ce sera mieux pour tous, je crois.


cloclo, juillet 2011

 

 

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Commentaires
P
Moi aussi je préfère le chat, mais je ne suis pas l'héroïne, je lui prête juste ma plume !! Bises à toutes les trois et bon week-end (on annonce de la pluie !) cloclo
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A
Je serai aussi d'accord pour le chien quoique je préfère le chat ( pliée)Profite des belles fleurs dans les parcs( sourire)
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M
Epilogue lui aussi dans la moyenne ? Triste fin de vie d'un couple mais "elle" a encore de beaux jours devant elle. Vive la liberté ! Mony
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E
dommage que la narratrice n'ait pas quelques Renoir dans son coffre, elle pourrait s'offrir villas et escort boys, avant de se faire gruger par eux... <br /> mais aller regarder les fleurs dans le parc, c'est pas plus mal, finalement...
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