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Les jardins de Calude
27 mai 2010

Si j'étais toi...

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Moi je serais la maman
et toi tu serais l'enfant
tu obéirais toujours
toujours
toujours
tou-jours!"
(Anne Sylvestre)

Je m'imagine en riant, si un jour les rôles étaient inversés, la tête que tu ferais un beau matin si j'allais te tirer par les pieds en te disant : allez, feignante, tu as assez traînassé dans ton lit, debout,  lave toi bien les dents après ton p'tit déj. , n'oublie pas de changer de culotte, ne mets pas le pull troué que tu avais hier, et surtout coiffe -toi, on dirait une sorcière, range tes chaussons avant de partir,  n'oublie pas de mettre tes cahiers dans ton cartable, et prends ton goûter, tu sais que quand tu n'as pas suffisamment mangé, tu travailles moins bien à l'école !

Et toi, tu me dirais : je sais, ça fait cent fois que tu me le répètes, et tu  retournerais dans ta chambre en claquant la porte. J'embrasserais ton père avant son départ et je retournerais à mes occupations habituelles : la lessive à étendre, les lits à faire, l'aspirateur à passer, les courses et les repas à prévoir plus le biberon du petit dernier. A dix heures, je m'affalerais épuisée sur le canapé et je me servirais un petit jus pour me remonter le moral. J'appellerais aussi ma copine Danièle pour lui demander si elle serait à la sortie des classes ce soir et si on pourrait aller faire un tour au square avec les plus petits. Et aussi Julien pour savoir s'il a eu le temps de passer chercher du pain.

Tu rentrerais exténuée le soir en disant : je ne me souvenais pas que l'école, c'était aussi dur ! Et les bagarres à la récré, aussi violentes ! Et ce vocabulaire ! Figure-toi que je n'ai rien compris à ce que me racontaient mes petits camarades !!  Ils sont d'une grossièreté ! Figure-toi aussi que j'ai même oublié ma règle de trois et que j'ai fait trois fautes à la dictée...

Je te sermonnerais en te rappelant que tu es trop distraite et que si tu continues de bavarder avec ta voisine, j'irai trouver la maîtresse pour qu'elle te fasse  changer de place...

Après le petit tour au square, où j'aurais bien discuté avec Danièle et échangé les derniers petits potins du quartier, ainsi que les grands secrets qu'on ne confie, et seulement à voix basse, qu'à sa meilleure amie, on rentrerait d'un pas décidé à la maison, pour te donner le temps de faire tes devoirs. Pendant le trajet, tu me fredonnerais la dernière chanson que tu as apprise à l'école et je te dirais : "ah ! ma pauvre fille, tu chantes toujours comme une casserole !" Alors, tu te renfrognerais dans ton coin, vexée que je ne te reconnaisse pas le moindre talent et tu me maudirais une fois de plus de posséder une plus belle voix que la tienne .

Ah ! oui, je t'imagine, obéissante et soumise, toujours partante pour m'aider dans les tâches ménagères, pour mettre le couvert (hum hum), s'occuper du petit Charles, le distraire pendant qu'il mange, car ce petit, dirais-je , n'a vraiment pas d'appétit !! J'ajouterais que toi, par contre, tu étais toujours affamée,  et que tu aurais pu être un bébé aussi mignon que lui si tu n'avais pas eu la mauvaise idée de brailler toutes les nuits en empêchant tes parents de dormir. Et toi, tu attendrais en vain un petit compliment de ma part. Tu continuerais de croire à tort que j'ai une préférence pour ton petit frère.

Maintenant, je m'aperçois avec horreur combien il est difficile d'être mère sans commettre la moindre injustice, et aussi de tout le mal que ça peut donner, une famille, une maison, un mari, et je me dis : vivement que je reprenne mes jeux d'avant et mes occupations d'enfant, et même mes devoirs et mes compositions, car être enfant, c'est tout de même beaucoup plus "cool" !!

Mais distribuer quelques claques au hasard, histoire de se défouler un peu, envoyer sa mère au lit à huit heures, pendant que moi, je me prélasserais devant la télé avec un bon film ou un bon polard, c'est tout de même une idée tout à fait merveilleuse et excitante  ! Lui crier : va ranger ta chambre ou tu seras privée de dessert,  et surtout, SURTOUT : l 'envoyer à la messe le dimanche, au cours de danse le mercredi,  au judo le lundi, au tennis le vendredi, au poney le samedi , avoir le plaisir de l'entendre dire : maman, je n'ai pas envie d'y aller aujourd'hui ! Et moi lui rétorquant d'une voix autoritaire, tranchante et définitive :

quand on est inscrit quelque part, on ne manque pas une séance. Allez, ouste, file à ton cours, ou tu vas louper l'essentiel !!

cloclo

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