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Les jardins de Calude
22 février 2013

Petits crimes exemplaires (1)

viande

1. HENRI

 

C’était son truc à lui, toujours un peu fourbe, toujours à esquiver les attaques directes. En trente ans de mariage, on n’a jamais pu avoir une explication franche, il détournait son regard, quand ce n’était pas la conversation, tergiversait, louvoyait, ou prenait la tangente, avait toujours l’air d’avoir deux airs, bref, je ne savais plus sur quel pied danser. J’ai résisté tant que j’ai pu, mais un jour, j’en ai eu assez de ses faux-fuyants, de ses regards obliques !  J’ai alors j’ai pensé : ça ne peut plus durer, il faut qu’on en finisse. Je l’ai assis de force en  face de moi sur la chaise, en lui tenant bien les mains dans les miennes pour éviter l’esquive.

Ensuite, je lui ai dit : Henri, pour une fois au moins dans ta vie, regarde-moi droit dans les yeux si tu es un homme ! Comme d’habitude, il n’a pas eu le courage de le faire. Alors, je l’ai tué, je lui ai tiré un coup de pistolet, pour le punir, juste là entre les deux yeux.

Tout de suite après, je l’ai regretté, ce n’était tout de même pas sa faute s’il louchait !

 

_____________________________

 

 

(2) LE RÔTI

 

 

Elle était nulle, elle ratait tout, son bus, son train, sa mise en plis, son maquillage, le rôti du dimanche, qu’elle n’a jamais su cuire à point. Elle avait même raté sa vie, mais là elle disait que c’était ma faute, que j’étais un mauvais mari, pas assez tendre, ni attentionné, égoïste, avare, fade et routinier, sans personnalité, sans enthousiasme et sans projets. Bref, elle ne m’accordait aucune qualité, et ne se privait pas de répandre ces calomnies autour d’elle afin de me faire auprès de ses proches une détestable réputation ; ce qui avait fini par nous éloigner et nous couper de tous nos amis.

Je n’en pouvais plus, la vie était devenue mortelle, presque un enfer, et d’une monotone accomplie, les jours suivaient les jours et le rôti du dimanche était toujours aussi mauvais et arrivait dans l’assiette toujours pas cuit. Je n’osais plus lui en faire la remarque pour éviter ses cris et ses reproches. Le silence, pour pesant qu’il était, valait mieux que ses vociférations et ses gesticulations que je ne supportais plus. Nous mangions donc en silence, parfois elle levait ses yeux sur moi entre deux bouchées, semblant me dire : si tu crois que je serai la première à prendre la parole, tu te trompes, mon gaillard, mais ne t’en fais pas, je peux tenir longtemps encore, j’ai les nerfs solides

Il fallait faire quelque chose mais quoi ? J’ai bien réfléchi, j’ai mûrement échafaudé un plan que je pourrais mettre à exécution le dernier dimanche de ce mois, à l’heure du déjeuner. Le jour venu, j’ai attendu qu’elle arrive de la cuisine avec son fameux rôti, presque cru comme d’habitude. Mais au lieu de me servir, j’ai pour une fois dérogé à la loi du silence et je me suis mis à parler aimablement de choses et d’autres, avec des airs détachés et même avec une pointe d’entrain et humour. Elle ne me reconnaissait plus. Le premier moment de surprise passé, elle s’est laissé aller à quelques paroles, oh ni aimables ni sucrées, juste polies, c’était déjà un bel effort, venant de sa part. J’ai ainsi alimenté la conversation jusqu’à ce que le rôti soit complètement refroidi, puis j’ai saisi le grand couteau, celui qui aurait dû normalement servir à le découper en tranches…

Pour rien au monde, je n’aurais voulu faire mentir l’adage : la vengeance est un plat qui se mange froid.

 

cloclo (à suivre)

 

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Commentaires
M
Cynique à souhait, j'aime !
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