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Les jardins de Calude
5 avril 2011

Généalogie

arbre_genealogique

 

De mémoire d’arbre généalogique, on n’avait jamais vu une aussi belle famille. Léa tourne lentement les pages de l’album que mémé Jeanne a soigneusement dépoussiéré pour qu’elle n’attrape pas de microbes : les petits sont si délicats de nos jours, la moindre poussière et hop !  Ils te déclenchent une allergie digne d’un champ de fraises mûres ! En découvrant l’arbre, Léa écarquille ses grands yeux bleus  tout ronds, la fierté de sa grand-mère qui avait les mêmes à son âge. Mémé explique qu’un arbre généalogique, ça sert à connaître ses ancêtres, au moins leur date de naissance,  leur mariage, leurs enfants…

-Et leur bobine, précise Léa.

- On ne dit pas bobine dit mémé, on dit…visage, image, portrait…   

Pour le caractère, c’est autre chose. Parfois, on le décèle à la mine renfrognée des visages.

- Le cinquième en haut, au bout de sa branche, on croirait un gros corbeau tout noir…dit   Léa en éclatant de rire.

Mémé Jeanne dit qu’un arbre généalogique, ça se remonte dans le même sens qu’on grimpe dans un arbre : de bas en haut. Tout en bas, il y a les têtes connues : papa, maman, les frères et sœurs, les oncles et tantes, puis les grands-parents, puis les arrière-grands-parents, etc… Mémé n’a oublié personne. Léa rigole en découvrant toutes les photos qui ont été découpées soigneusement par Mémé et recollées une à une dans un beau médaillon à cadre doré.  Jusqu’aux arrière-grands-parents, ça va, Léa les connaît tous, surtout ceux qui habitent dans la même région qu’elle et qu’elle rencontre régulièrement. Loïc, le pépé breton, là-haut, au centre, avec sa pipe et sa barbe, et son regard énigmatique lui est moins familier :

-Il était marin au long cours, dit mémé.

Léa ne comprend pas que quelque chose puisse être à la fois long et court.

-  Mais non, bécasse, ça veut dire qu’il partait loin en mer et ne revenait que de temps en temps.

- Sa pauvre femme, elle a dû beaucoup pleurer en l'attendant !!

 Mémé se tait, elle aurait beaucoup de choses à dire sur pépé Loïc, mais ce ne sont pas des choses racontables aux petites filles, elle pourrait lui dire par exemple qu’un jour, pépé Loïc n’est plus jamais rentré de ses voyages.

 La version officielle, c’est que pépé Loïc a péri dans un naufrage, l’autre, la vraie,  c’est qu’il a fini sa vie à l’autre bout du monde, en semant  derrière lui, ici et là, un  bon impressionnant de bâtards.

Plus on remonte dans le temps, plus les photos sont étranges, la couleur a disparu, les dames sont habillées bizarrement, elles ont des cols montants, des chemisiers à petits plis, des chapeaux à fleurs, les hommes ont des moustaches, ils ne sourient jamais et prennent parfois des poses académiques. Les garçons ont des cols marins, les filles, de jolies boucles qui encadrent leur visage. Un peu partout, on trouve des signes étranges, un pour signifier la naissance, un autre pour le mariage et un dernier pour la mort. Léa soupire en voyant une croix à côté d’un joli bébé joufflu. Elle ne savait pas qu’on pouvait mourir si petit ! N’ayant encore jamais eu  l’expérience directe de la mort, elle n’en a qu’un sentiment très vague. Comme une sorte de malaise devant quelque chose qui la dépasse.

Mais comment expliquer la chose à une enfant de neuf ans ?

- La mort, explique mémé Jeanne, c’est quand quelqu’un que tu as bien connu disparaît sans jamais revenir. - Mais où va-t-il ? - On ne le sait pas vraiment, mais s’il va quelque part, on ira tous  au même endroit, c’est déjà rassurant, non ?  Mais Léa ne l’écoute déjà plus.

- Et celui-là, avec ses grosses joues rouges, comme il est drôle !

– C’est l’oncle Jules, mon beau-frère, ah ! Quel bon vivant c’était, toujours entre deux vins, il fallait le supporter quand il avait un petit coup dans le nez !

Léa examine la photo mais ne remarque rien sur son nez. Le coup n’a pas dû être très fort, on n’en voit pas la trace. En tout cas, ça devait le mettre de bonne humeur, car il est le seul dans l’arbre à rire aux éclats. En revanche, la tante Rita fait une gueule !

-  C’est la constipée de la famille ou quoi !

 - Léa, si ta maman t’entendait !  

- Et tante Thérèse, là, en haut, quel laideron, avec ses feuilles de choux ! Comme dit maman, elles sont assez grandes pour nourrir une famille de dix personnes !

 -  Je sais, Thérèse n’a pas un physique facile, dit mémé Jeanne, qui connaît ses classiques, mais c’est la crème des femmes, elle a tout de même élevé les quatre enfants de sa sœur à la mort de leur mère, tu sais, c’était une personne  très dévouée ! Remercie le ciel, petite, d’avoir de jeunes et bons parents !

Il n’y a aucune ramification à côté du nom de Thérèse, pas de mari, ni d’enfant officiel, Thérèse est seule en équilibre et prête à tomber de sa branche, comme un petit oiseau fragile… Pauvre Thérèse, soupire Léa, prise soudain de compassion pour l’arrière grand-tante qu’elle n’a pas connue !

Les derniers noms tout en haut de l’arbre ne sont plus illustrés, il n’y a que des traits, des croix, des dates, il y en a même qui remontent jusqu’à 1748 ! Mais ça n’amuse plus du tout Léa, qui voudrait retourner à ses jeux habituels. Mémé referme l’album avec nostalgie et le remet dans son placard,  elle se console en pensant au prochain petit-fils qui passera chez elle et à qui elle pourra présenter à nouveau sa grande et belle famille.

 

cloclo, Poudreurs, 4 avril 2011

 

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Commentaires
P
Heureuse de vous compter parmi mes lecteurs, la Hollande est un pays magnifique, revenez bientôt sur mon blog, je vais faire un montage de mes photos. Bien amicalement à vous. cloclo
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P
Je partage - depuis peu - votre passion pour la généalogie. Je rêve aussi en regardant les noms, les dates, les vies trop courtes! Je ferai partager cela à mes petites filles et à mon petit fils quand ils seront plus grand, je fais cela aussi pour eux.<br /> Vous avez une écriture très agréable, merci de ce moment passé en votre compagnie.<br /> Je rentre aussi de Hollande, ma fille habite Amstewween.<br /> Belle journée,<br /> <br /> Pierre
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E
Cloclo, bien qu'abonnée à ton blog, je ne reçois toujours pas les avis de parution... bonne journée ! Emma
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P
Les enfants ont souvent du mal de rentrer dans l'univers des anciens et à constater que leurs parents ou grands-parents ont eux-même été petits, les photos permettent de remettre un peu les choses à leur place. Je pars demain pour la Hollande, je vais sans doute traverser ton beau pays... A bientôt. cloclo
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M
Un bel échange transgénérationnel. J'aime beaucoup ses souvenirs encore vivants dans la mémoire de l'aïeule. Mony
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