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Les jardins de Calude
2 février 2011

speed dating (version mixte)

Je vous livre ma deuxième version de speed dating, où je fais intervenir les aparte des deux partenaires. Il n'y a pas de raison de ne pas entendre aussi la voix de ces Messieurs !!

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Un petit jeu qui dure 7 minutes, mais qui pourrait durer une vie, pourvu que l'on fasse la bonne rencontre. Un miracle, si cela arrive, mais il faut croire aux miracles. Pendant que je me fais mes commentaires, que pensent de moi tout bas ces Messieurs qui me font face ?

number one : distant, chauve, le regard fuyant, l'air de ne pas savoir pourquoi il est là et ce qu'il doit y faire. Âge moyen, plutôt beau gosse, il se tait, mais toute sa vie semble se cacher derrière son regard amer, une vie de chaudes luttes et de cuisantes défaites, sans doute ! Pour ma part, j'y vois deux divorces, quatre ans de solitude, un boulot à chier, plus d'amis, des enfants qui se détournent de lui, et avec ça  une force mentale asymptote 0 pour pouvoir s'en remettre. Je tente des : votre vie n'a pas dû être facile, vous avez dû en baver ! Il opine du chef, mais refuse de m'expliquer.

C'est drôle, elle a l'air de m'avoir calculé sans même que j'ouvre la bouche, une fine mouche, m'est avis qu'elle lit dans les âmes comme dans un livre ouvert. Faudra que je me méfie. Si du moins je la retiens. je sens qu'elle me reproche intérieurement ma timidité et mon silence, mais comment vider mon sac en trois minutes et demie ? Elle soupçonne la vie de merde que je mène ainsi que ma grande solitude morale, j'esquisse un sourire , mais ça ne prend pas, quand elle m'a dit : votre vie n'a pas dû être facile, j'ai préféré me taire; je pense que tant que je n'irai pas mieux, il faudra que je m'abstienne de ce genre de rencontre !

number 2. Intarissable, je ne peux en placer une, il ne m'a pas encore dévisagée qu'il claironne déjà que je suis son type de femme, son idéal, sa perle rare. Me tutoie d'emblée, sûr de lui et de ses jugements, m'invite à nous revoir, m'appelle sa poule d'eau, son foulque plongeur... j'apprends au bout de 30 secondes que c'est un passionné de chasse au gibier d'eau, et qu'il ne dédaigne pas non plus un petit safari de temps en temps au Kénya. Un vrai Tartarin africain, quoi ! J'ai beau lui répéter que je hais les chasseurs, il ne m'écoute pas, il n'a d'intérêt que pour lui. M'appelle une dernière fois sa gazelle.

Ca, ça pourait être une meuf pour moi, elle est mignonne et pas farouche, bon, je me suis un peu emballé au départ, j'espérais la bluffer avec mes exploits en tous genres, quand je l'ai appelée mon foulque plongeur, j'ai senti qu'elle n'y était pas insensible, alors, quand elle m'a avoué détester la chasse, j'ai eu comme un grand frisson dans le dos, c'est pourtant mignon un foulque plongeur, j'aurais peut-être dû dire mon petit colvert, ou mon grèbe huppé, va savoir !! Où peut donc se nicher le goût des femmes ? Je pensais être original, eh bien, ça m'a l'air mal parti. Même les récits du Kénya l'ont laissée de marbre. Pourtant, je la kiffais grave, moi ! Je la coche quand même, ma petite gazelle, on ne sait jamais. Souvent femme varie... dit le proverbe.

number 3. Don Juan relooké par Paco Rabanne. Des lunettes noires épaisses, un grand manteau noir, une dégaine figée, un regard amidonné, une voix guindée et semblant préprogrammée. Des phrases très bien construites et articulées, des imparfaits du subjonctif tout y est, même les points de suspension. Il parle sans fautes d'orthographe, ça , c'est sûr. C'est un rapace nocturne, fréquentant les lieux nocturnes branchés, se targue de bien connaître Thierry Ardisson, accepte les hétéros, mais ne dédaigne pas les bi non plus.  Allergique au mariage, préfère le statut "pacsimonial" (néologisme de son invention). C'est un précieux dix-septièmiste, égaré au 21° siècle. Apparemment, je ne suis pas du tout son genre, bien qu'il ne me l'avoue pas par politesse, je suis trop ordinaire, trop tradition, trop... non , il ne cochera pas la case "à revoir", mais je m'en fous, j'ai hâte qu'il dégage, désolée de ne pas avoir sa classe ni son glamour .

Mon Dieu, quel look ordinaire, elle n'a jamais mis les pieds chez Dior, ni chez Sonia Rykiel, celle-là. j'en suis encore tout esbaudi ! Aucune tenue, aucune classe, aucun chien ! Et cette coiffure ! Je vous le dis tout cru : Ca ne vaut pas les belles garcettes d'antan ! Elle me regarde avec de gros yeux ronds, comme si elle n'avait jamais vu un dandy de sa vie. Eh bien, elle n'est pas prête de trouver cothurne à son pied, la mâtine ! Qui voudrait d'un tel laideron ? C'est le genre de femelle à se coucher à 21 heures tous les soirs et à regarder des émissions débilitantes à la télé, je le jurerais sur la tête de Madame ma Mère ! Vivement que les 7 minutes soient écoulées. Ah ! La mimique qu'elle a faite quand j'ai sorti le mot "pacsimonial" !  Elle doit connaître 200 mots du vocabulaire françois, tout au plus, cette gourgandine, et encore !! (à ne pas retenir !)

number 4. J'en ai ma claque, j'aimerais un sourd, ou un muet, ou un cul-de-jatte, un gars avec une grosse infirmité pour avoir l'occasion de le plaindre pendant sept minutes. Celui-là est apparemment normal, si l'on considère que la laideur n'est pas un handicap. Il me donne la chair de poule quand je le mate, moi qui n'aime pas les thrillers, je suis servie. Et dans ce clair-obscur, soit disant propice aux rencontres, je tremble comme une feuille morte. Il m'en demande la raison. J'argue être sous le coup de l'émotion et dénonce aussi la température fraîche de la pièce. Lui est rouge comme une tomate et me fixe de ses gros yeux globuleux et glauques. Je voudrais fuir à toutes jambes, mais pas question avant la fin du délai réglementaire. Je meuble, je lui demande s'il habite encore chez ses parents (question autrefois réservée aux Messieurs! ) Il marmonne une vague réponse, mais comme il a aussi un cheveu sur la langue et un sérieux défaut de prononciation, il me faudrait une traduction simultanée. Je me cure le ongles pour meubler les vides en attendant le gong.

Celle-ci ne me paraît guère avenante, elle me regarde comme si j'étais un OVNI, je ne vois pas pourquoi, je sais que j'ai un physique un peu ingrat et quelques difficultés d'élocution, mais pour le reste, je suis comme tout le monde ! Et puis, elle n'arrête pas de trembler, elle doit être atteinte de Parkinson, la pauvre, à son âge ! Pour rien au monde, je ne voudrais m'encombrer d'une infirme, ça, il faut qu'elle le comprenne, je ne vais pas faire d'effort pour lui parler, de toute manière, ça m'arrange, elle n'est pas mon type de femme, pas besoin de faire semblant, pendant qu'elle se fait les ongles, attendons le coup de gong, c'est ce qu'il y a de plus raisonnable !

number 5. La larme à l'oeil, il a perdu sa femme il y a deux ans et il est inconsolable. Ou presque. 40 ans de bonheur avec "la Ginette", ça ne s'efface pas d'un revers de manche. Il voudrait bien la remplacer tout de même, la solitude, c'est pesant à la longue, ça fait 6 mois qu'il vient ici toutes les semaines, il a déjà vu près de 180 remplaçantes potentielles, mais aucune ne lui a plu vraiment : trop jeunes, trop vieilles, trop sexy, pas assez sexy, trop bavardes, trop effacées, mauvaises cuisinières, piètres femmes de ménage, bref, aucune n'a jamais fait l'affaire. il m'étudie, me scrute, me soupèse, me sonde, me jauge, m'évalue entre les rides de ses petits yeux tristes. Comme une marchandise qu'on pèse avant de l'emballer. On dirait que je ne lui déplais pas. Il m'explique : Ginette était blonde, petite comme vous, et elle avait la même voix, si, je vous jure, c'est incroyable, j'ai l'impression de l'avoir retrouvée. Manquait plus que ça, ça fait 10 ans que je cherche l'âme soeur, et je serais réduite, au lieu du rôle de vedette, à celui d'une simple figuration de soubrette sous les traits de SA Ginette, son clone en quelque sorte. Je lui explique les dangers d'un tel transfert. Il n'a pas l'air d'imprimer, il croit qu'un transfert, c'est une pièce que l'on colle sur un bout de tissu. Pardon, dit-il, mais j'ai encore beaucoup  à apprendre. Moi, j'ai l'impression au contraire qu'en sept minutes, j'ai tout appris de lui, je ne vois vraiment pas l'intérêt de prolonger au delà...

Ginette !! Ginette est devant moi, je n'en crois pas mes yeux, ma Ginette, je t'ai retrouvée, en plus jeune bien sûr, mais c'est toi il y a 20 ans. Quelle chance ! J'espère que je vais lui plaire au moins, ce serait par trop injuste, une telle coïncidence, c'est pas croyable, il ne faut pas la laisser passer; j'espère que je suis son type d'homme, c'est drôle, elle a pas eu l'air d'apprécier quand je lui ai avoué la ressemblance. Pourtant, tu étais belle, aussi, ma Ginette ! Si elle te voyait en photo, elle saurait que c'est une comparaison plutôt flatteuse. Qu'est-ce qu'elle raconte ? C'est quoi, cette histoire de transfert ? Elle m'explique que c'est quand on reporte son affection sur une autre personne. Et alors ? C'est tout bénef pour elle, non ? Elle n'aura pas d'efforts à fournir, la moitié du chemin est déjà faite. Je pense quelle me trouve trop vieux pour elle, je le sens bien, elle n'a pas l'air décidée. Allez, je coche, on verra bien, que sera sera, comme disait ma grand-mère. J'ai encore tant de choses à lui dire !

number 6. Plus que deux, quarante neuf minutes en tout à se mentir et à se créer sa petite fabrique à rêves, il est temps de mettre l'usine en faillite et de retourner sur la terre ferme. Et dans des lieux moins obscurs qu'ici.  Où il règne depuis le début une épaisse fumée entre les tables, où le brouillard est aussi dans les têtes, les esprits, les corps. Où les femmes maquillent leur visage pour faire illusion, où les hommes travestissent leur coeur en revêtant chacune de leur parole d'un vernis factice, que toutes ces dames ne décèlent pas du premier coup. Où le mensonge, la tromperie, les faux semblants, l'esbroufe, le carton pâte sont rois. Où chacun des partenaires ment insolemment avec de criants accents de vérité et des trémolos dans la voix. Moi qui ne suis guère entraînée à ce jeu, j'ai l'impression de moins mentir , de moins donner le change, donc de moins séduire.

Mon vis-à-vis est muet, elle a l'air de se parler à elle-même, je me demande à quoi je sers, quand elle ouvre la bouche, c'est pour me tenir des propos amers sur ce genre de rencontres. Alors, pourquoi est-elle venue à ce rendez-vous ? Pour voir jusqu'où peut aller la bêtise humaine, me répond-elle. Bon, je suis tombée sur une enquêteuse ou quelque chose comme ça et bientôt , on trouvera son article dans un magazine people ou autre, n'en disons pas trop, de peur de se faire reconnaître. Pourvu qu'elle n'ai pas de caméra cachée, ce serait le bouquet ! Je vois bien qu'elle essaie de me tirer les vers du nez, ça doit être une journaliste ou un truc du genre. Je reste évasif, laconique, méfiance, méfiance, elle parle trop bien pour être honnête, c'est bien ma veine,  surtout pas d'imprudence. Si elle découvrait que je suis venu ici pour les mêmes motifs qu'elle !

number 7. Le brouillard s'épaissit, dans ma tête se construit une espèce de morphing constitué du crâne chauve du 1, de la moustache du 2, des yeux effrayants et globuleux du 4, des petits yeux tristes du 5, des oreilles décollées du 6,  comme les puzzles dans mes jeux d'enfant, les intonations s'emmêlent pour donner une voix de synthèse qui va de l'aigu au plus grave. Quel capharnaüm ! Plus aucune concentration. Mon vis-à-vis, espèce de robot recomposé avec les morceaux des précédents me parle, je réponds à contretemps, ris quand il faut pleurer,  prends des airs consternés quand il essaie d'être drôle, détourne mon regard, m'embrouille dans mes réponses, bref, je ne sais plus qui je suis... Le pauvre est persuadé d'avoir affaire à une désaxée et me parle avec douceur et condescendance, tout en craignant que je ne fasse  un esclandre. Au lieu de ça, je m'écroule brusquement sur la table en écrasant mon verre de champ... Galant, mon vis-à-vis me relève, me maintient fermement, me demande si ça va, regarde furtivement sa montre tout en attendant le signal du gong.

Moi, je m'accroche de toutes mes forces à ce fantôme salutaire comme à une planche de salut.


Progressivement, l'épais brouillard autour de moi se dissipe, j'aperçois à travers lui deux merveilleux yeux bleus qui me fixent, un visage agréable qui sourit, deux mains très soignées et si douces...

Même si je ne suis pas supersticieuse, j'ai toujours eu une préférence pour le chiffre 7.

Bon, là, je crois que je suis tombé sur une malade, ou une droguée, ou quelque chose comme ça. Elle a l'air d'être au bord de la crise. Bientôt, elle va tomber dans mes bras, ça, j'y mettrais ma main à couper. Ca y est, ce que j'avais prévu est arrivé, qu'est-ce que je vais faire, maintenant, il faut appeler les secours ! Elle est dans le brouillard le plus complet, peut-être de l'hypoglycémie, ou une émotion trop forte, ou la chaleur de la pièce ? Ah ! La voilà qui reprend ses esprits, et qui me regarde fixement, comme si elle venait de découvrir un trésor. Je l'observe à mon tour.  Ma foi, elle n'est pas vilaine,  vilaine, plutôt jolie et ses yeux bleu intense qui me regardent avec tendresse. Dommage que les 7 minutes soient presque passées. On n'a même pas eu le temps d'entamer un vrai dialogue. Qu'importe, je l'inscris sur mon carnet et je coche la cas "à revoir". On ne sait jamais !

cloclo, 1 et 2 février

 

CLOCLO
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Commentaires
P
Non, bien sûr, je n'irais jamais dans de tels lieux , où tout est si artificiel et si pitoyable, j'ai voulu dénoncer ce genre d'endroit en m'amusant, mais c'est tout de même triste d'en arriver là ! Bises. cloclo
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A
Je ne sais pas si tu es allée dans ce genre de choses mais en tout cas, c'est très bien vu; Bravo
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P
Il faut l'espérer, bien que la St-Valentin soit la fête de tous les amoureux, donc déjà accompagnés...bises. cloclo
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M
Un délice ces échanges de points de vue. C'est bientôt la st Valentin, vont-ils enfin trouver l'âme soeur ? Mony
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