NOS NUITS-PAPILLON
Il est pour moi temps de changer,
j'ai joui de trop de liberté
dont bien souvent je n'eus que faire :
je fus sa triste prisonnière.
J'ai vécu comme un condamné
à fair' tout ce qu'on me dictait,
une vie à tourner en rond,
une' peti't fleur sur un balcon,
toujours la mêm', j'en ai ma claque
à vivre ainsi, je me détraque,
je manque d'air, je meurs de faim,
prise aux grands fers du quotidien !
J'ai vécu lourde de mes chaînes,
jusqu'ici me plaignant à peine :
il ne manquait pour mes cavales
que toi, mon geolier idéal.
Je te suivrai au bout du monde
si tu veux êtr' mon Albert Londres,
à Cayenn', Kourou ou Mana
pourvu que je sois dans tes bras.
Je voudrais être ton forçat
emprisonnée entre tes draps
voir se lever sur Matiti
ou sur les eaux du Maroni
les aubes douces de Guyane,
voir gambader entre les lianes
roux sapajous et singes- atèles,
voir fuir aras à tire-d'aile.
Pour guetter en Amazonie
les tapirs et les agoutis,
tapie dans l'ombre du jaguar
je voudrais être ton tôlard.
Ah ! j'exige que l'on m'arrête,
avec toi je consens perpète,
il n'est pas de plus beaux barreaux
et pas de plus tendre bourreau
que les liens forts qui nous unissent
et cet amour qui nous habite,
sois donc mon île du Salut,
menons une vie de reclus.
Je rejoindrai demain les bagnes
de tes verts pays de cocagne,
au souvenir des noirs - marrons*
tu seras ma libre prison :
celle de nos nuits-Papillon.
* anciens esclaves ayant fui dans la forêt amazonienne
titre : allusion au roman d'Henri Charrière, Papillon