TU VIENDRAS...
Tu viendras, tout ensoleillée
d'existence
la bouche envahie par la fraîcheur des
herbes
le coeur mûri par les jardins oubliés
où tes seins sont devenus des
envoûtements
tu te lèves, tu es l'aube dans mes bras
où tu changes comme
les saisons
je te prendrai, marcheur d'un pays d'haleine
à bout de misère
et à bout de démesure
toi tu as la tête d'abîme douce n'est-ce pas
la nuit
de saule dans tes cheveux
un visage enneigé de hasards et de fruits
un
regard entretenu de sources cachées
et mille chants d'insectes dans tes
veines
et mille pluies de pétales dans tes caresses
tu es ma chance
ouverte et mon encerclement
à cause de toi
mon courage est un sapin
toujours vert
ouvre-moi tes bras que j'entre au port
et mon corps
d'amoureux viendra rouler
sur les talus du mont Royal
mon premier amour aux seins de pommiers en
fleurs
dans la chaleur de midi violente.
Gaston Miron, L'homme rapaillé (Montréal, 1970)