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Les jardins de Calude
9 mars 2010

retrouvailles (2) LE PETIT CORSAIRE BLEU

cloclo_corsaire


- Nous voilà donc réunies à nouveau. C'est plus facile que la première fois, j'ai eu le temps depuis notre première rencontre de me faire à  ton ancienne image et de me rappeler plus précisément ton visage...

- Pour moi aussi, c'est plus simple, j'ai pu m'habituer aux changements physiques, à la modification de la voix, à tes cheveux  plus blonds, mais ce qui n'a pas changé chez toi, ce sont tes yeux...

- Tu sais, je n'ai jamais pu me faire à cette coiffure bouclée que  maman m'imposait chaque jour, avant de partir à l'école. Je sens encore la chaleur cuisante du fer à friser sur les oreilles, malgré la fine feuille de soie qui l'enveloppait...

-Tu as raison,  c'est un  supplice quotidien pour moi.. Et pas moyen d'y échapper. Ma mère est intransigeante sur ce qu'elle pense être  le summum de l'élégance pour une petite fille...

- Comme elle se trompe, j'aurais voulu me glisser dans un trou de souris. Moi, mon rêve, c'était d'avoir des cheveux lisses et longs.

- Tu te souviens du petit corsaire bleu ?

- Avec la bavette ? Oui, j'avais honte de l'enfiler et de m'exhiber devant mes  camarades, habillés plus simplement pour se rendre à l'école.

- Elle pensait te faire plaisir, sans doute, et surtout, en tirer une certaine fierté vis à vis des autres mamans...

- C'est ce que j'ai pensé, bien plus tard, avec le recul, à cette époque, je me contentais de protester faiblement, mais le plus souvent de  souffrir en silence...

- Cette époque  n'est pas à la communication entre parents et enfants, ni à la rébellion, il faut respecter les aînés, et respecter, c'est obéir les yeux fermés, sans poser de questions  ...

- Oui, il nous fallait nous contenter d'exécuter les ordres sans broncher, les parents étant les seuls maîtres à bord et les garants de toutes les valeurs domestiques et morales. Je n'étais pas une enfant rebelle...

- Et malheureusement pas une adulte très combattive non plus, je suppose...

- Exactement,  mais au sein de mon foyer,  j'ai tout de même pris une sorte de revanche...

- Toi, autoritaire ?

-Non, mais vaguement dirigiste, j'avais pour modèle l'attitude de ma mère envers mon père : il devait filer droit, comme moi, et ne pas la contredire...sinon, c'était la guerre...Et moi, je pensais que dans un couple, c'est la femme qui commande et l'homme qui obéit...

- A en juger par les comportements de ma mère, on le supposerait ainsi. Et avec tes enfants ?

- Plutôt permissive, protectrice, plus maman que mère... mais j'ai eu la chance d'avoir des enfants faciles, faciles à vivre, faciles à contenter...Ils ont mené leur vie comme bon leur semble, je ne leur ai pratiquement jamais rien imposé ! Ce sont eux qui se sont mis instinctivement leurs propres limites.

- Vraiment rien imposé ?

- Si, la réussite scolaire, le catéchisme, la messe du dimanche, j'ai voulu qu'ils lisent la bible, qu'ils approfondissent leur religion, avant de décider...libre à eux par la suite de faire leur choix.

-Alors ?

- Alors, ils s'en sont tous détachés, comme moi, à une  époque antérieure de ma vie.

- Je suis si croyante , il y a peu de temps encore,   je voulais rentrer dans les ordres !

- Oui, avec le recul, ça m'amuse un peu, mais j'étais une petite fille fervente et le merveilleux, le surnaturel,  m'attiraient déjà, les miracles à Lourdes, c'était en quelque sorte mes contes de fées à moi, et penser qu'un jour on renaîtrait dans un autre monde, pour y revivre éternellement, me fascinait.  J'ai été aussi passionnée par la vie extraordinaire de Sainte-Thérèse, une petite file riche, gâtée par son père, qui quitte tout pour une vie de pauvreté et de prières...

- On lit des sortes de BD sur la vie des saints, j'ai  une Vie de Jeanne d'Arc absolument fantastique...son courage, sa hardiesse, sa détermination à combattre l'ennemi me fascinent...Et puis, savoir qu'elle est née à quelques kilomètres de chez moi !!

- Et un livre sur Saint-François, j'ai oublié le titre...

La harpe de Saint-François, une biographie absolument sublime, je l'ai dans ma table de nuit et le relis sans cesse.

- C'est à cause de ton amour de la nature ?

- Pas seulement : c'est aussi l'histoire d'un petit voyou repenti... J'adore les fleurs et les oiseaux, je fais souvent de gros bouquets dans les prés, le long du canal...

- Il n'y a plus de fleurs, le long du canal, elles ont été remplacées par une zone artisanale, et la voie rapide la longe tout du long, avec son cortège d'automobiles...

- Pour l'instant, je peux m'y balader de long en large, à vélo, ou en patins à roulettes, je suis très habile sur mes patins...

- Quel tristesse d'imaginer ce que deviendra dans 50 ans une nature sauvage et préservée, sans l'ombre d'un pesticide... Profite de ton enfance, car le monde va subir de profonds changements, et pas forcément dans le sens d'un mieux...

- A dix ans, on ne pense pas à tout ça, ni aux inconséquences des adultes, on mène sa petite vie un peu égoïste loin des soucis et des problèmes de la vie, on a bien le temps...

- Tu as raison, profites en au maximum, garde longtemps ton insouciance et ton bel enthousiasme, c'est un des plus beaux cadeaux que la vie puisse faire à un enfant. A bientôt, sans doute.

- bye bye, à bientôt !!

cloclo

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Commentaires
P
Oui, ça n'est pas facile de faire ainsi des flash back sur sa vie en utilisant la même personne, l'une enfant, l'autre adulte, c'est pourquoi l'enfant parle toujours au présent et l'adulte au passé pour évoquer les mêmes événements. Je trouve ce procédé assez subtil, et efficace s'il est bien mené. Pas évident. Bises. cloclo
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A
Au début je ne comprenais pas , je me demandais à qui tu parlais alors je suis allée sur retrouvailles 1 et maintenant c'est bon. Pas facile de se confronter à notre moi enfant et tu y arrives parfaitement.<br /> <br /> Bises
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