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Les jardins de Calude
28 octobre 2013

L'enfant unique

cloclo6ans

 

Quand j’étais étais petite et que j’entendais parler d’enfant unique (ce qui était mon cas), je croyais que cela voulait dire : unique en son genre, exceptionnelle, spéciale et même formidable, je prenais ça pour un compliment. Quand, plus tard, on m’a expliqué qu’enfant unique voulait seulement désigner un enfant qui n’a ni frère ni sœur, alors, mon enthousiasme est retombé, j’étais formidablement déçue. Mon orgueil se mua vite en chagrin, car je commençais à m’apercevoir qu’être enfant unique ne présente pas que des avantages. D’abord, on s’ennuie la plupart du temps, car on n’a pas forcément un ami avec qui jouer à sa portée. Ensuite, les parents ont constamment l’œil sur vous, et plus spécialement quand ils vous soupçonnent d’avoir accompli quelque menu larcin. J’étais d’un tempérament timide, plutôt réservé, et j’avais appris dès le plus jeune âge à me plier à la volonté des grands qui ont toujours raison et souvent réponse à tout.

Mais un jour, n’y tenant plus, je m’enhardis à poser la question à ma maman : maman, pourquoi je n’ai ni frère ni soeur comme la plupart de mes petits camarades ? Parce que le moule est cassé, me répondit-elle. En ce temps-là, j’ignorais comment on fabriquait les bébés, mais comme notre voisin était sculpteur et que je l’avais bien souvent vu travailler le plâtre dans son atelier, je m’imaginai qu’il avait fabriqué un moule rien que pour moi et qu’il l’avait détruit après ma naissance. J’allai donc le trouver sur le champ pour lui demander d’en fabriquer un nouveau. Mais en guise de réponse, il se mit à rire tellement fort que je n’obtins aucune explication cohérente à ce sujet. Je revins à la maison terriblement déçue. Evidemment, je n’en touchai mot à mes parents et je continuai à m’enfermer dans mon triste destin de petite fille unique.

Je n’osais plus aborder le sujet, d’autant plus qu’à mes pourquoi, je m’entendais toujours faire la même réponse brève et catégorique : parce que. Je passai ainsi plusieurs années dans l’attente et la tristesse de voir que mon vœu ne serait jamais exaucé ! Puis un jour, osant enfin renouveler ma demande, ma mère me porta si je puis dire le coup de grâce. Elle me répondit : monte dans ta chambre, prends une feuille et un crayon, et dessine-là pour toi, ta petite sœur.

Depuis, je gribouille d’infâmes croquis, tous plus mauvais les uns que les autres, car je n’ai aucune prédisposition pour le dessin. J’ai déjà mis ainsi 33 bébés à la poubelle et je pense que le chiffre va encore augmenter. Mais ce n’est pas grave, ces petits monstres avortés par ma maladresse m’accompagnent et sont toujours un peu dans mon cœur.

Un jour, je prendrai des cours de dessin et tu verras, maman, ce que ta fille unique sait faire.

Je ne courberai plus la tête comme par le passé et tu pourras être enfin fière de moi !

 

Cloclo, 28 octobre 2013

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Commentaires
E
tendre et touchant, et jolie petite fille qui n'a pas l'air malheureux du tout malgré ces grandes questions
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P
Je pense que oui, mais avec l'âge, les révoltes s'apaisent, il reste surtout les bons souvenirs, mais ceux-là se prêtent moins à l'écriture...
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M
Y a-t-il toujours une douleur derrière une enfance aussi heureuse soit-elle ? <br /> <br /> J'aime plonger dans tes souvenirs, Cloclo.
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