COLERE BLANCHE
En ce 21° siècle naissant, nous ne sommes plus au temps des barbares, ni des égorgeurs de grands chemins, ni des attaques de diligences, ni des grandes batailles qui ont ensanglanté notre pays pendant des siècles. Les grandes disettes sont terminées, les terribles famines éradiquées, les hommes et les femmes ne se promènent plus, en loques, en tendant la main pour nourrir leurs enfants affamés . Non, à présent, tout le monde ou presque mange à sa faim. Finis les misérabilismes décrits par Hugo, Zola ou Dickens. Aujourd'hui, Dieu merci, un sang impur ne coule plus dans les rues et n'abreuve plus nos sillons. Il a juste été remplacé par un autre sang, un sang pur, laiteux, qui coule à flots dans les rues de nos villes et de nos campagnes, déversés par des centaines de paysans en colère. 40 000 litres en Isère, 150 000 en Bretagne, et le gâchis n'est sans doute pas encore terminé. Nos voisins s'y mettent eux aussi. 20 septembre : 150 tracteurs défilent dans les rues de Lausanne. On comprend ces actions qui sont l'ultime recours des agriculteurs qui se voient menacés de disparition par une politique agricole débile, qui les prive petit à petit de leur gagne-pain, les obligeant à renoncer à une activité qu'ils exerçaient souvent de père en fils. Non seulement ils ne gagnent plus rien sur le lait, mais , à terme, ils se retrouvent déficitaires. En janvier 2008, les 1000 litres de lait valaient 378 euros, en juillet 2009, 274 seulement. Le prix du lait pour le consommateur at-il subi pour autant une baisse ? Evidemment non. Voir au contraire la flambée des prix sur le lait et le blé en 2007 ! En 2008, le Mexique demande une hausse du prix du lait. Parallèlement, pendant que les quotas progressent un peu partout en Europe, ceux de la France diminuent. La baisse des prix est déjà amorcée. Suivra l'épisode des vaches peintes à Bruxelles, puis des grèves européennes sur la livraison du lait. 11 septembre 2009 : grève à nouveau et mouvements de colère des paysans. Et voilà pourquoi des milliers de litres continuent de se perdre dans la nature, ultime recours pour attirer l'attention sur une activité menacée et sur un produit vital pour des populations entières. Bonne initiative : hier, place de la République à Paris, 22 000 litres de lait ont été distribués gracieusement à la population. Mais le problème subsiste, il est temps que les gouvernements s'en occupent efficacement.
Hier, aux infos, j'ai vu un jeune
agriculteur en pleurs dans son étable vidée de ses occupantes, et
pourtant dotée de matériel neuf pour la traite automatique, contraint de vendre tout son cheptel et d'abandonner une profession qu'il
aimait par dessus tout , et que lui avait transmis son
père*. Et bien je vous le jure, en l'écoutant, j'ai pleuré de rage et je
continue à m'indigner qu'un accord international rapide ne soit pas trouvé pour
régler ces problèmes qui entraînent les malheurs de tant de gens en France ! A
quand la fin de la suprématie des grands distributeurs, des décideurs et
technocrates de tous poils ? L'état a bien su renflouer les banques, les
industries automobiles, alors pourquoi pas vous ? Moi, je dis : ne baissez pas
les bras, on finira bien par vous entendre !
Note : La semaine prochaine, le Parlement européen votera une proposition de
la Commission européenne visant à étendre la période pendant laquelle l'Union
européenne achète du lait écrémé et du beurre, évitant ainsi une chute trop
importante des prix. La commission de l'agriculture s'est déjà prononcée
unanimement en faveur d'une mesure similaire pour le fromage.
S'il adopte cette mesure, le Parlement européen donnera un signal important
aux autres institutions européennes. En effet, si le Traité de Lisbonne venait à
entrer en vigueur, le Parlement européen serait mis sur un pied d'égalité avec
le Conseil de l'Union européenne en matière d'agriculture.
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* SCANDALE ! La mesure phare qu'a présentée la commissaire agricole danoise jeudi 17 pour sortir de la crise réside dans une sorte de "prime à la casse" pour la restructuration du secteur. L'idée est de permettre le maintien des producteurs laitiers "qui ont investi et (d')aider ceux qui veulent quitter le secteur", a-t-elle plaidé. Une douche froide pour ceux qui espéraient un geste dans le sens de la régulation, soit la décision d'une baisse du quota de production, afin de faire remonter les prix. Mais pas cette proposition qui consiste à faire partir les plus faibles et à grossir les exploitations de ceux qui resteront. Comme depuis vingt-cinq ans.
"Un testament pour les producteurs de lait", a réagi la FNPL, la branche laitière de la FNSEA, le premier syndicat agricole français. Rien qu'en France, le nombre d'exploitations laitières est passé de 427 000 en 1984 à 90 000 aujourd'hui. En Europe, entre 2006 et 2008, 334 000 ont disparu. (Source : le Monde du 19-9-2009)
cloclo